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Engager pleinement la génération Nexus... ou tout autre !
Jeff Singer, CHRP
Les difficultés qu’il y a à engager et à fidéliser les employés de la « génération nexus », les jeunes dans la vingtaine qui entrent sur le marché de travail, une génération analysée et disséquée comme aucune autre par les employeurs désireux d’attirer et de retenir leur attention, ont donné lieu à beaucoup de discussions et de débats.
D’autre part, l’engagement des employés suscite plus d’intérêt que jamais à l’heure même où, se penchant sur les données démographiques des leurs populations d’employés, les organisations y voient des réserves déclinantes d’employés potentiels qualifiés. Les « baby boomers » sont proches de la retraite. Qui va leur succéder ? Où allons-nous trouver ces personnes ? Comment allons-nous les maintenir en poste ? Il ne fait aucun doute que, si les prévisions de départ à la retraite chez les « baby-boomers » se confirment à peine, les employés de la génération nexus seront très recherchés.
Un employé engagé s’investit pleinement dans le travail, avec enthousiasme, parce que son travail l’inspire, l’attire et le motive. De plus, cette personne se soucie de l’avenir de l’organisation et cherche à savoir comment elle peut contribuer à la réussite de celle-ci, aujourd’hui et demain. Certains affirment même qu’une main-d’œuvre engagée peut créer pour l’employeur un avantage concurrentiel et faire augmenter la productivité et que l’organisation verra réduire le taux de départs et d’absentéisme lié à la santé.
Engager la génération nexus est donc à l’évidence une question intéressante à explorer. Effectivement, cette question a fait l’objet de nombreux travaux (études, enquêtes, conférences, forums, livres de gestion) et il y a même des cabinets-conseils qui s’attachent à mesurer l’engagement des employés, à élaborer des stratégies comportementales ainsi que des programmes pour permettre aux entreprises de s’en assurer, c’est-à-dire l’engagement des employés, et à former les responsables aux techniques propres à l’encourager.
L’essentiel de cet effort s’est porté sur les différences entre la génération « nexus » et celles qui l’ont précédée et les systèmes et programmes nécessaires pour s’y attaquer. Bien que ces différences soient certainement dignes d’attention, je pense qu’il existe un autre point de vue qui pourra de fait dévoiler le secret permettant d’engager et de fidéliser la génération nexus.
Au printemps et à l’automne de chaque année le groupe TRG organise pour les clients et amis du cabinet un petit déjeuner rencontre dans le but d’examiner un sujet ou thème qui intéresse le milieu de travail. Bien que nos méthodes et approches soient différentes, chacune repose sur la conviction que, si vous avez les bonnes personnes dans la salle, elles trouveront ensemble, en tant que groupe, les réponses recherchées. En d’autres termes, la salle contient toutes les connaissances et le savoir-faire nécessaires, tout ce qui est nécessaire pour tirer parti de ce vivier d’expérience.
Au printemps dernier, nous avons décidé de nous pencher sur la question suivante :
Quelles sont les clés qui feront ouvrir à la génération nexus la porte à un engagement total sur le lieu de travail ?
Réunis en grand nombre, un groupe comptant plus de 80 personnes, composé de membres tant de la « génération nexus » que de la génération plus « expérimentée » parmi nous, en nombre relativement égal, nous avons entamé un dialogue interactif suivant l’approche dite « évaluation appréciative ».
L’évaluation appréciation est un processus de changement et un mode de pensée qui met l’accent sur la collaboration et la participation de toutes les voix dans le système. D’autre part, cette approche vise à découvrir et à appliquer de nouvelles connaissances et idées sur les aspects clés de la vie de l’organisation. En particulier, elle s’attache à engendrer et à mettre en pratique le savoir qui provient d’un examen des périodes phare, des moments d’excellence et de rendement exceptionnel, des moments où les gens se sont sentis en pleine possession de leurs moyens et pleins d’énergie.
Suivant un protocole d’entrevue permettant à un membre de la génération nexus de s’engager dans un dialogue avec un membre d’une autre génération, le groupe a exploré par deux ou en petits groupes le moment où chacun s’est senti le plus en prise avec son travail, puis la question à quoi cela tenait. Chaque petit groupe a présenté en séance plénière ce qu’il avait appris des uns des autres.
L’activité dans la salle, au fil des échanges en face-à-face ou en petits groupes, rythmée par un dialogue ciblé, des présentations animées, des rires, le va-et-vient incessant des feuilles du tableau de conférence, était dynamique. Les évaluations de la séance par les participants portent à croire que ce fut une expérience enrichissante et significative.
En écoutant les présentations et en revoyant les feuilles mobiles préparées par les groupes, j’ai été frappé plus par tout ce que les générations ont en commun que par ce en quoi elles se différencient.
Les conclusions des groupes peuvent être résumées comme suit :
Valeurs personnelles
- Toutes les générations représentées dans la salle accordent plus d’importance à la mise en cohérence de leur vie personnelle et professionnelle avec leurs valeurs et principes d’éthique personnels, c’est-à-dire à une fusion des valeurs dans les deux contextes.
- Toutes les générations représentées se disent attirées et motivées plus par la cause qu’ils servaient que par la société ou sa structure.
- Un groupe dit sentir qu’il se déroule en ce moment au travail un changement de paradigme consistant à faire porter l’essentiel non sur l’organisation mais sur soi, vu que les employés ne sont pas aussi prêts à sacrifier leurs valeurs, leurs intérêts et leurs aspirations pour le bien de l’organisation. Ce changement s’est vérifié dans toutes les générations représentées au sein du groupe. Elles ont conclu que les meilleures pratiques d’emploi mettent en avant le concept qu’elles ont eux-mêmes appelé « appropriation créative individuelle ».
Milieu de travail
- Lorsqu’elles décrivent le milieu de travail idéal, toutes les générations représentées dans la salle ont souligné l’importance de l’équité, de la confiance et du respect. Un groupe estime que la confiance se construit lorsque les employés se voient donner les moyens, sous forme de partage des connaissances, par le mentorat, le maillage et la communication.
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Toutes les générations avouent une attirance pour les milieux de travail caractérisés comme suit :
- Milieu en évolution rapide
- Poussés par les défis
- Habilitation, c’est-à-dire qu’on a la possibilité d’assumer un rôle de leadership au sein de l’organisation
- Travail intéressant et engageant
- Flexibilité et possibilités diverses
- L’habilitation a été décrite comme étant le fait «... d’être écouté, soutenu et digne de confiance ».
- Lorsqu’ils décrivent une « meilleure expérience de travail » et ce qui l’a rendue ainsi, la majorité des participants, peu importe l’âge, ont dit que cela tenait au fait d’avoir été reconnus, appréciés et récompensés pour leur contribution.
- D’après les présentations, il semble que les membres de la génération nexus présents à la séance recherchent la stabilité au travail, mais non de la même manière que les générations précédentes. Ils ne veulent pas se retrouver emprisonnés dans un emploi toute leur carrière, dès lors, le défi, celui de les tenir engagés, consiste à créer un milieu de travail qui permet un maximum de mobilité afin qu’ils puissent y mener leurs « 8 carrières ».
- Par ailleurs, les membres de la génération nexus ont clairement précisé qu’ils savourent la liberté sous diverses formes comme les heures de travail souples, un code vestimentaire décontracté et une « appropriation créative individuelle ».
Contenu du travail
- L’un des groupes a conclu qu’« aimer son travail signifie aussi être relié à l’ensemble du travail, du début à la fin, (ce qui) veut dire travailler avec les autres et être reliés à eux. Pour la génération nexus, cela comprend le mentorat.
Équilibre travail-vie
- Un thème dominant et constant, dans toutes les générations une fois de plus, était la nécessité d’un équilibre travail-vie. Pour un groupe, les « entreprises doivent commencer à joindre le geste à la parole en ce qui a trait à l’équilibre, à l’éthique, à la santé, etc. et, pour ce faire, nous devons apprendre à travailler plus intelligemment, et non plus dur, puisque personne ne souhaite travailler plus dur. » Il a été reconnu que chaque personne, selon ses circonstances et le stade de sa carrière, définira cet équilibre différemment.
Lors de la séance plénière, les participants sont arrivés à une conclusion significative, à savoir que la génération nexus et les générations précédentes attendent au fond les mêmes choses du lieu de travail. La principale différence est dans le moment, une question de chronologie. La génération nexus les veut tout de suite, alors les générations précédentes avaient été préparées « à patienter, à faire leurs preuves » d’abord avant de « mériter » le privilège de l’emploi idéal et du milieu idéal (par exemple, la conciliation travail-vie).
Notre effort en tant que professionnels des ressources humaines a été, en grande partie, consacré à développer des systèmes et des processus, c’est-à-dire des outils importants pour favoriser l’engagement des employés. Mais, comme le montrent les conclusions de notre petit-déjeuner de travail, ce n’est pas là le fin mot de l’histoire. Les systèmes et les processus ne peuvent être conçus en marge de la culture d’entreprise, mais doivent être le reflet de ce qui est valorisé par les membres de l’organisation. Ils doivent être en cohérence avec les valeurs organisationnelles auxquelles les employés sont attachés, valeurs qui répondent au besoin humain fondamental, celui de la reconnaissance, de l’inclusion, de la poursuite de compétence et de la quête du sens. L’engagement des employés commence par un dialogue qu’amorce ces questions : Qu’est-ce qui importe pour vous ? Qu’est-ce qui importe pour moi ? Comment pouvons-nous, ensemble, en faire un élément de notre avenir commun ?
Jeff Singer est président du GRT qui s’attache à promouvoir la santé, la productivité et la durabilité des organisations et des collectivités en facilitant les processus par lesquels les gens vivent et travaillent ensemble, dans le cadre de systèmes humains, pour leur bien mutuel. Plus précisément, sollicité, notre groupe aide les individus, les équipes et les organisations à faire la transition vers l’avenir, avec détermination, guidés par nos processus facilités, dans la poursuite de leurs objectifs personnels et organisationnels dans les domaines de pratique suivants : soutien à la planification et à la transition de carrière; évaluation, développement et accompagnement du leadership; et alignement stratégique et gestion du changement.